« La Poste est prête à abandonner le J + 1 pour le courrier d'ici à 2011
Le groupe public étudie la possibilité de ne garantir une livraison du courrier que deux jours après l'envoi, contre une journée actuellement. Cette mesure a des vertus écologiques, mais aussi financières. Les plus durs à convaincre seront sans doute les syndicats de l'entreprise.
Jusqu'ici, c'était simple. Pour envoyer vos étrennes à l'autre bout de la France à votre filleul, il suffisait de poster la lettre la veille. Du moins, c'était l'engagement de La Poste, qui tablait sur un taux de 90 % des lettres reçues le lendemain de l'envoi (J + 1) à l'horizon 2012, alors que celui-ci a atteint le niveau de 83,8 % l'an dernier (82,5 % en 2007). Les choses pourraient changer d'ici à 2011, année d'ouverture à la concurrence. Selon nos informations, La Poste envisage de passer à une garantie à J + 2. En clair, le groupe public s'efforcera que le courrier parvienne bien à son destinataire, mais deux jours après avoir été posté.
Pourquoi un tel revirement ? La Poste affirme à présent que la réception de lettres le lendemain de leur envoi ne répond pas à une forte demande. « D'après nos enquêtes, ce qui intéresse nos clients est le J + 1 en proximité et le J + 2 au niveau national », expliquait Jean-Paul Bailly, le président du groupe public, le 1er avril, auditionné par la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale. C'est particulièrement le cas pour les entreprises, qui représentent plus de 95 % des émetteurs de courrier. « Environ 90 % d'entre elles préfèrent se passer de la garantie du lendemain et sont plutôt sur des J + 2, voire J + 4 ou même J + 6 pour les courriers non adressés (les publicités) », explique un proche du dossier.
La demande ne serait donc pas vraiment là, pour un service qui se révèle coûteux pour La Poste, mais aussi pour la collectivité. Acheminer une lettre rapidement exigeant de nombreux moyens logistiques, et notamment l'utilisation d'avions volant de nuit. Le moins ambitieux J + 2 permettrait de desserrer l'étreinte. « Partir dans ce sens nous permettrait de réduire le recours à l'avion, d'utiliser les machines de façon plus complète et de reculer les heures de levée », jugées trop précoces par les entreprises, expliquait il y a deux mois devant les députés Jean-Paul Bailly. Un coup de pouce pour l'environnement, donc, mais aussi pour les finances du groupe public, qui en ont bien besoin. Selon nos informations, La Poste table désormais sur un recul de 7 % du volume de courrier cette année du fait de la crise économique, contre une prévision de 3 % budgétée en début d'exercice.
Une mesure sensible
Pour faire entériner ce revirement stratégique, La Poste devra convaincre. Notamment l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), qui doit obligatoirement être saisie pour avaliser toutes modifications des engagements de La Poste. La mesure, potentiellement très sensible, devra également convaincre les élus locaux. Ils sont néanmoins déjà plusieurs à ne pas y voir un casus belli. « Ne vaudrait-il pas mieux un J + 2 garanti à quasi 100 %, plutôt que de rester sur cette obsession du J + 1 qui va contre les objectifs du Grenelle de l'environnement », s'interroge Pierre Hérisson, le président de l'Observatoire de la présence postale et également sénateur UMP. Même à gauche, le projet a ses partisans, comme le député PS de l'Isère François Brottes, qui estime que « ceux qui veulent de l'urgent utilisent Internet ou bien de la messagerie express, pas le courrier ».
Les plus durs à convaincre seront sans doute les syndicats de l'entreprise. Déjà
chauffés à blanc par la perspective du changement de statut de l'entreprise publique, ceux-ci verraient dans ce changement les prémices d'une remise en question plus générale encore. « Ce ne sera qu'une première étape, la suivante sera de dire qu'on ne distribue plus le courrier six jours sur sept », tempête le représentant d'une des
organisations syndicales.
"Tous les moyens sont bons pour dénaturer le service public", a accusé Sud-PTT dans un communiqué. Colette Duynslaeger, déléguée CGT, a souligné "le danger d'amoindrir le service public postal".
Sud-PTT craint "la suppression de
milliers de postes" tandis que FO, dans un communiqué, "met en garde contre la tentation de transformer l'emploi de dizaines de milliers de postiers en variable d'ajustement".
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Source : France Info