Source AFP
Le projet de loi réformant le statut de La Poste a été à la peine tout le week-end au Sénat, qui a siégé
matin, après-midi et soir pour examiner les nombreux amendements défendus pied à pied par l'opposition.
Sénateurs PS, PCF, Verts et Radicaux de gauche se sont relayés pour plaider inlassablement en faveur du maintien du statut de La
Poste, pour eux seul garant de sa mission de service public, et pour s'élever contre une "privatisation rampante".
La droite a été suffisamment mobilisée pour rester majoritaire en nombre dans l'hémicycle, convaincue de la nécessité de transformer La Poste en
société anonyme pour lui permettre d'affronter la prochaine ouverture totale à la concurrence du secteur postal en Europe, elle estime avoir verrouillé toute
possibilité d'une future privatisation.
Le PS a salué le travail des élus de la gauche, qui "bataillent pour démontrer l'injustice et l'incohérence" du projet
gouvernemental "premier pas vers une privatisation". "Il semble désormais acquis que la droite au Sénat utilisera, dès lundi, tous les moyens afin de passer en force, sur consigne et ordre du
gouvernement", croit savoir le secrétaire national du PS, Razzy Hammadi.
Dimanche en début de soirée, il restait près de 200 amendements à débattre. Si le rythme moyen de 10 amendements par heure ne
s'accélérait pas, il pourrait être en effet difficile de boucler le texte lundi soir comme prévu.
Les articles centraux ont toutefois été adoptés: transformation de La Poste, actuellement établissement public industriel et
commercial (epic), en société anonyme à capitaux publics dès janvier 2010, définition de ses missions de service public et autres activités, financement de son maillage territorial, nouvelle
gouvernance, statut des fonctionnaires de La Poste, ouverture d'une possibilité d'attribution gratuite d'actions au personnel.
Quelques amendements ont été adoptés. L'un, déposé par l'UMP, garantit le régime de retraite complémentaire de près de 100.000
postiers actuels, plus favorable que le régime commun auquel seront soumis ceux qui seront embauchés à partir du 1er janvier 2010.
Ont été également approuvés, avec l'avis favorable du gouvernement, deux amendements socialistes permettant de débloquer la
situation de fonctionnaires de La Poste ayant opté en 1991, après la scission des PTT en France Télécom et La Poste par le gouvernement Rocard, pour le maintien de leur statut précédent.
Ces postiers ont vu un gel complet de leur carrière à partir de 1993. Le premier amendement impose la reconstitution de leur
carrière, le second prévoit un bilan en fin d'année des promotions des fonctionnaires concernés.
Un amendement PS, soutenu par le gouvernement et la majorité, prévoyant la représentation des usagers de La Poste au sein de son
futur Conseil d'administration, a été adopté.
Idem pour un autre interdisant au président du conseil d'administration de détenir des responsabilités dans d'autres entreprises.
Cet amendement a été surnommé "amendement Proglio" par l'opposition, en référence à Henri Proglio qui doit devenir Pdg d'EDF tout en restant à la tête de Veolia Environnement.
En ce qui concerne le financement du maillage territorial de La Poste un compromis s'est dégagé. Point de désaccord entre la
majorité et le gouvernement, la commission de l'Economie, sous l'impulsion de son rapporteur UMP, Pierre Hérisson, avait augmenté de 85 à 100 % l'abattement de taxe professionnelle dont
bénéficiait La Poste pour ce financement.
Cette augmentation avait été votée par la commission contre l'avis du ministre de l'Industrie, Christian Estrosi.
M. Estrosi a présenté un amendement en séance pour remplacer cette hausse par la création d'une autorité indépendante chargée
d'évaluer chaque année le coût du réseau territorial de La Poste, déficitaire d'environ 300 millions d'euros par an.
La majorité et la commission ont sous-amendé la proposition du gouvernement en précisant que ce sera l'Autorité de régulation des
postes et des communications électroniques (Arcep) qui sera chargée de cette évaluation. L'Arcep fixera également chaque année le taux d'abattement de manière à ce qu'il finance au moins 95 % du
coût du maillage évalué.
"Il est souhaitable que ce coût fasse l'objet d'une évaluation annuelle systématique par une commission indépendante ad hoc", a
souligné M. Estrosi qui a assuré qu'il n'y aurait ainsi "aucune ambiguité sur les pérénisations" de ces financements.
Les sénateurs ont également ratifié un article introduit par la commission de l'Economie sur proposition des centristes, prévoyant
que le réseau de La Poste "compte au moins 17.000 points de contact".
"C'est une manoeuvre de la majorité pour faire passer la pilule de la transformation en société anonyme", a protesté la
gauche.
"Garantir 17.000 points de contact permet que 10.000 bureaux de poste de plein exercice deviennent de simples relais poste ou des
agences postales communales", a estimé Jean-Claude Danglos (PCF).
"La ficelle est grosse: ces emplois qu'on ne peut délocaliser, on les supprime! Les agents de La Poste qui étaient 323.375 en 2002
n'étaient plus que 272.077 en 2008", a souligné Jean Désessard (Verts).
"Nous nous préoccupons d'assurer le meilleur service au public. Pourquoi la boulangerie qui est ouverte le dimanche, ne
pourrait-elle délivrer un carnet de timbre?" a demandé Laurent Béteille (UMP).
Selon le sénateur UMP le service public de La Poste se limiterait à vendre des carnets de
timbres; il est effarant de voir à quel point les sénateurs connaissent mal La Poste qui pourtant fait partie de leur environnement immédiat depuis toujours.
S’ils regardaient simplement autour d’eux, ils verraient qu’il n’y a désormais plus que
deux services véritablement présents dans nos communes: la mairie et La Poste.
Une nouvelle journée de mobilisation a été lancée pour le 28 novembre par le collectif
contre la privatisation de la Poste.