C'est
la fin d'un long suspens. Un scénario bien huilé. Sur nos sièges, nous piaffions d'impatience devant l'écran sur le moment de la reddition. Voilà qui est fait. La CFDT, oublieuse du
drame de 2003, récidiva. Sombre journée.
Dans ce nouveau film, nous eûmes notre lot de rebondissements. Les plus pessimistes prévoyaient une signature avant fin décembre. Il faut dire que les augures étaient bons : le 4 décembre, Parisot entrevoyait la possibilité d'un «accord ambitieux ». Le 7, elle était bien « pessimiste » sur l'issue de la négociation, mais c'était pour
donner le temps aux spectateurs de se faire à l'idée que la bataille était rude. C'était aussi de la tactique. Le 9 décembre, elle ira même jusqu'à ne pas écarter « ... un échec à cause des CDD
taxés ». On tremblait. Fine mouche et lame de fond, la patronne des patrons allait et venait entre les nerfs des « négociateurs »... Elle était la vague et ses interlocuteurs l'île
nue.
La CFDT, elle, dans le même temps, comme sur un terrain de foot, drible et feinte. Le 4, elle indique par le biais de Laurent
Berger – le « calme
dans la tempête » - que « la balle est dans le camp du patronat » et assure le 9 que «
le match n'est pas fini ». La
CFDT a toujours cru à un accord, ici comme ailleurs, elle est toujours prête à négocier la qualité de la corde avec laquelle seront pendus les salariés. La lutte des classes, chez elle comme chez
Cahuzac, ne fait pas partie du vocabulaire. Mais il n'empêche : dans l'air du temps flotte cette nécessité d'avoir confiance en des syndicats raisonnables et respectueux des choses établies.
L'adaptation du capitalisme est à ce prix. Les crépusculaires CFTC et CGC l'ont compris eux-aussi.
Pour faire bonne mesure, comme pour montrer qu'il n'y a aucune subordination ou d’acquiescement à des ordres d'où qu'ils viennent
et gaver le gogo, la CGPME dénoncera « l'ingérence «intolérable » du gouvernement » dans la négociation - comme le fit le Medef - et le 10 les
artisans patrons de l'UPA laissent croire qu'ils rejetteront le projet du
Medef.
Mais François Hollande, qui joue gros dans cette
affaire, même signée, dira faire "confiance" aux partenaires sociaux. Ça tombait bien (ces deux lascars ne s'étaient
pas concertés, croix de bois croix de fer) : Laurence Parisot espérera un temps « boucler ce
soir ». Que d'émotions ! On aurait presque pu croire qu'il s'agissait d'une vraie négociation.
Quel suspens !
On le sait bien, dans une négociation, les deux parties doivent mettre au chaud un point sur lequel elles pourront reculer sans
gros dégât, ce qui en contrepartie leur permettra, pour l'une de ne pas perdre la face en criant victoire et pour l'autre de louer la raison et les bienfaits du dialogue en emportant
l'essentiel.
Ici, ce fut la « taxation des contrats courts », le principal point de blocage imaginé dans cette négociation sur lequel on fera
mousser la conclusion de l'accord en gens sérieux, tard dans la nuit jusqu'à plus soif. Dans le scénario, il était écrit que le Medef refuserait longtemps. La CFDT devrait indiquer mille fois que
faute d'acceptation par le MEDEF, elle ne signerait pas d'accord.
Puis soudain, voici que – oh ! Miracle - le 11 janvier cette «taxation» est
consentie par le Medef «en échange d’incitations, de baisses de charges afin d’encourager à embaucher les jeunes en contrats long».
Gérard
Filoche, quelques heures auparavant, se demandait « ...
pourquoi et comment la CFDT signerait elle ce pseudo accord avec le Medef ? … Comment peut faire croire que les graves
questions sociales, les salaires, le droit du licenciement, la médecine du travail, se résument à la « taxation des contrats courts » ? Comment ce dernier point est il devenu « l’enjeu » (sic)
qui achoppe ? On croit cauchemarder tellement il y a diversion, tellement on est a côté de la plaque ! … Les actuels adhérents ont encore peur du « coup de mai 2003″, de grâce ne le
recommencez pas, pour vous et pour nous tous,... ne signez pas ce pseudo accord que le Medef veut encore vous et nous imposer…
CFDT... ne signez pas de façon désespérée et minoritaire ! ».
C'était sans compter sur la scène finale, déjà tourné en plan fixe avec François Hollande aux manettes, celui où MEDEF et CFDT
s'embrassent sur la bouche avant de crier qu'ils sont les rois du monde contractuel sur la proue du navire social qui va couler. Etonnez-vous que Marion Cotillard n'ait pas été retenue pour les Oscars
2013 ! Nous avions mieux sous la main. Le Medef continuerait de faire la loi et la CFDT l'y aider, nominée dans la catégorie du meilleur plus mauvais second rôle.
Léon
Source : Le petit journal de Léon et Paulette (léonetpaulette.fr http://leonetpaulette.blogspot.fr/ )