Depuis le début de l'année, une factrice de 21 ans, qui travaillait en CDD, a mis fin à ses jours le 15 février, en
Haute-Loire et un cadre du service communication, a été retrouvé pendu à son domicile parisien le 25 février.
Ce n'est pas encore la "vague" de suicides qu'a connue France Télécom en 2008 et 2009, mais
cela commence à y ressembler. Lundi 4 mars, un employé de La
Poste a tenté de se suicider, sur le site du centre de courrier de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), mais a heureusement pu être secouru par un de
ses collègues de travail. "L'agent est hospitalisé mais ses jours ne sont pas en danger", assure la direction de La Poste.
Selon les syndicats, cette tentative de suicide serait directement liée à la situation professionnelle du postier. Avant d'essayer de se pendre, l'homme, âgé d'une quarantaine d'années, a laissé une lettre,
intitulée "La Poste m'a tué", dont Le Monde s'est procuré une copie, où il met nommément en
cause ses supérieurs et dénonce leurs méthodes de travail.
"Mon geste n'est dû qu'à ma situation professionnelle" et "c'est la seule réponse qui me reste à l'absence de dialogue que je subis depuis si longtemps", y est-il écrit. "Placardisé, ignoré, dénigré depuis des années, puis déprécié, (...) sans aucune explication (...), je n'ai plus la force
de continuer", explique l'agent, qui dénonce une entreprise "autrefois formidable et aujourd'hui si déshumanisée".
"Nous sommes très choqués par cet événement grave", a aussitôt réagi Magali Mignard, responsable des ressources humaines de La Poste dans les
Pyrénées-Atlantiques. Les 56 agents du centre de Bayonne ont été pris en charge par "le médecin du travail et une cellule d'écoute", et le
courrier n'a pas été distribué, indique la direction.
"EN ÉTAT D'ÉPUISEMENT"
Cette tentative intervient après plusieurs autres suicides, notamment ceux de deux cadres en Bretagne, en février et mars 2012, ainsi que celui d'un guichetier dans l'Aisne, en novembre dernier. En Haute-Loire,
une factrice de 21 ans, qui travaillait en CDD, a mis fin à ses jours le 15 février, dépassée par la masse de travail qui lui était demandée, accusent ses proches.
Même la direction du groupe n'est plus épargnée. Lundi 25 février, un cadre du service communication, chargé des magazines internes destinés aux
266 000 salariés de l'entreprise, a été retrouvé pendu à son domicile parisien. En arrêt-maladie depuis trois semaines, il était "en état
d'épuisement", dénoncent les syndicats.
Même s'il est toujours difficile d'établir un lien entre suicide et situation professionnelle, La Poste avait lancé en 2012 un "grand dialogue" pour tenter
de comprendre le mal-être de ses agents. Une commission,
présidée par l'ex-secrétaire général de la CFDT, Jean Kaspar, avait été nommée
pour évaluer "les impacts humains du changement".
"RIGIDITÉ DU MODÈLE SOCIAL"
Dans un rapport, rendu le 11 septembre 2012, cette commission estimait que si "La Poste a réussi sa
modernisation industrielle, en garantissant l'emploi sans plan social, (...) la rigidité de son modèle social ne répond plus aux impératifs de transformation". Le rapport de M. Kaspar préconisait notamment de surseoir aux suppressions de postes et d'embaucher 4 500 à 5 000 salariés supplémentaires d'ici à 2014.
Un accord sur "la qualité de vie au travail" a été signé en janvier entre la direction et
certains syndicats, qui met notamment en place des directions des ressources humaines de proximité.
"Mais le malaise perdure", assure Régis Blanchot, délégué SUD PTT, un des
syndicats non-signataires. "Le nombre d'arrêt-maladie a continué d'augmenter en 2012 alors que la direction était censée ralentir sa réorganisation", dénonce-t-il. Selon lui, les mesures prises ne sont pas suffisantes : "l'an dernier, La Poste a encore supprimé 4 894 emplois, un traumatisme pour les agents."
Source : http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/03/05/