Les cadres aussi souffrent au travail. A priori incongrue pour certains, cette affirmation est malheureusement vraie. Pour s’en convaincre, il sufit de se pencher sur les chiffres de l’absentéisme depuis deux ans, notamment ceux de l’absentéisme pour maladie.
C’est ce que nous avons fait à l’occasion de ce second numéro de La Voix des Cadres, préoccupés de savoir si les remontées inquiétantes du terrain étaient confirmées par une analyse objective des chiffres.
La réponse est incontestablement oui, parfois au-delà de nos craintes.
Le vérifier n’a cependant pas été chose facile.
- Les seules données disponibles figurent dans les rapports sociaux que la Poste met parcimonieusement à disposition (celui du réseau est introuvable, celui de LBP est resté à l’état de projet…). Encore faut-il être plutôt curieux, le sujet y faisant l’objet d’une communication beaucoup plus minimaliste que celle consacrée, par exemple, aux efforts de formation (au hasard…).
- Les autres informations existantes, en particulier celles du baromètre social initié en début d’année 2016, sont restées inaccessibles malgré nos demandes.
Mais aujourd’hui, le « circulez, il n’y a rien à voir » finit par résonner comme un « circulez, il y a des choses à ne pas voir » en dit finalement plus long que la communication laconique de l’entreprise.
Notre fédération s’alarme donc : non, l’absentéisme n’est pas la « cause » de certaines des difficultés rencontrées sur le terrain par les postiers (entendu en CDSP) mais bien une de leurs conséquences et la plus grave car elle concerne leur santé.
Que ce soit en valeur ou en progression, tous les indicateurs sont donc au rouge. Pour autant, ici, pas de diagnostic (encore moins partagé) de plan d’action, ni de suivi. Pourtant, des solutions existent quand on décide de les chercher.
À titre d’illustration de ce qu’il faudrait faire, voici un extrait de l’introduction du guide de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) intitulé « L’absentéisme, outils et méthodes pour agir » : l’absentéisme concerne de nombreuses entreprises industrielles ou de services à un moment ou un autre de leur développement.
Les conditions de travail jouent un rôle souvent méconnu dans le processus qui conduit un salarié à s’absenter. Un travail sous fortes contraintes de temps, des horaires décalés, une organisation du travail inadaptée, un manque de reconnaissance ou encore des carences dans le dialogue entre l’encadrement et les salariés peuvent être des facteurs déclencheurs de l’absence.
Il faut pouvoir analyser ces facteurs qui sont souvent spécifiques à l’entreprise.
Pour agir sur l’absentéisme, il est nécessaire d’en cerner les caractéristiques, de le définir, de préciser quels moyens l’entreprise peut mobiliser pour le réduire. Le plus souvent, les solutions trop globales s’avèrent être un leurre.
C’est plutôt par un ensemble cohérent de mesures particulières que l’on parvient à rétablir la situation. Une politique de petits pas est préférable à des actions spectaculaires mais peu suivies dans le temps.
Il est primordial de faire en sorte que l’absentéisme devienne un objet commun de préoccupation entre les acteurs de l’entreprise. Les pistes d’action existent donc.
Ne pas faire de ce sujet une priorité affichée reviendrait à considérer que la situation actuelle n’est pas dramatique ou qu’elle est un épiphénomène, ce que nous ne pensons doublement pas.
Les chiffres clefs
L’absentéisme pour maladie des cadres à la Poste, c’est :
- presque 9 jours d’absence par an et par personne en moyenne pour la classe IV (8,7) et plus de 16 jours pour la classe III (moyenne générale 2015 : 23 jours) (à noter: contrairement à d’autres entreprises, la Poste ne fournit pas ces chiffres, qui sont le résultat d’un retraitement de données du bilan social) ;
- plus de 720 000 jours d’absence en 2015 (plus de 5 millions de jours en ajoutant les classes I et II), soit l’équivalent de 3 300 personnes à temps plein (22 700 toutes classes confondues) ;
- une augmentation globale de + 7,5 % entre 2014 et 2015 ;
- un absentéisme « court » (<30 jours) qui explose : + 8,5 % entre 2014 et 2015.
Ce que dit la Poste
« L’absentéisme pour maladie demeure à un niveau élevé. Son augmentation reflète en grande partie l’évolution de la moyenne d’âge des postiers et porte notamment sur des absences longues ». Extrait du rapport social LP 2015, p. 32.
Ce que disent les chiffres
La moyenne d’âge des postiers est de 46,9 ans (pour info, elle est de 49 ans chez Orange). Elle a augmenté de 5 mois entre 2014 et 2015. L’absentéisme long (absence supérieure à 90 jours) a globalement baissé (de 2 %) dans la même période. Les absences inférieures à 30 jours ont progressé de 3 % au total, mais de 10 % chez les cadres supérieurs (classe IV) et de 8 % chez les cadres de la classe III. Les absences entre 31 et 90 jours ont progressé respectivement de 7 % (Cl. IV) et 11 % (Cl. III).
Pour mémoire, les chiffres en France et chez Orange
Absentéisme au travail en France :
Absentéisme au travail chez Orange (toutes populations confondues) :
- l'âge moyen est de 49,32 ans, soit plus de 2 ans de plus qu’à la Poste mais le nombre total de jours d’absence (total et pour maladie) y est inférieur et stable : « l'évolution en nombre moyen de jours par salarié est stable : 16,03 jours par salarié en 2015 ». « Le nombre moyen de journées d’absence pour maladie par salarié est globalement stable : 13,26 jours (13,0 jours en 2014) ». Source: rapport social Orange 2015.