Maisons de Service au Public (MSAP), facteurs-guichetiers, bureaux « sensibles », agences postales communales… la présence postale ne cesse de se modifier et de se réduire. Le mot d’ordre est rentabilité, ce qui laisse peu de place à la notion de service public partout et pour tous.
En France comme ailleurs en Europe, l’idéologie libérale ambiante modifie la notion même de service public. L’État français se désengage partout et par tous les moyens. Que ce soit pour les impôts, les missions données aux préfectures, les hôpitaux, le rail… c’est le modèle social français, garant des missions de service public qui est attaqué ; même certaines missions régaliennes sont confiées à des « partenaires » privés. Quid de La Poste et de son réseau de bureaux ? Certains parlementaires estiment qu’une voire deux missions de service public postal sont obsolètes. Quel que soit le point de vue de chacun, ces missions sont inscrites dans un contrat d’entreprise 2018-2022 signé avec l’État.
Dans le cadre de ce contrat, La Poste est dans l’obligation de maintenir son maillage territorial de 17 000 « points de contact ».
Pour atteindre cet objectif elle privilégie aujourd’hui, pour des raisons de rentabilité, les partenariats : agences postales communales ou intercommunales, relais-poste chez des commerçants, des buralistes ou encore des acteurs de l’économie sociale et solidaire.
À côté de ces partenariats, le contrat sert à financer d’autres alternatives aux bureaux classiques : des bureaux de postes mutualisés, tels que les Maisons de Service Au Public accueillies dans un bureau de poste, des bureaux de facteurs-guichetiers, des bureaux ouverts moins de 18 heures par semaine, des points de contact situés dans les nouveaux quartiers de la politique de la ville ainsi que l’ensemble des points de contact situés en outre-mer.
LE SERVICE PUBLIC EN BUREAU
La désertification rurale, les métropoles grandissantes, une population vieillissante… autant de facteurs à prendre en compte pour aménager la présence postale.
Quelles en sont les règles ? Pas plus de 10 % de la population d’un département ne peuvent se trouver éloignés de plus de 5 km et de plus de 20 minutes en voiture des plus proches points de contact. Les Commissions Départementales de Présence Postale Territoriale (CDPPT) sont en charge du respect de ce critère.
Pour remplir ces deux conditions, La Poste se voit attribuer par l’État une enveloppe financière qui était de 223 millions d’euros en 2016 mais qui, en 2018, n’est plus que de 174 millions.
Cette baisse du financement est inquiétante, Force Ouvrière la dénonce systématiquement.
La Poste a aussi une mission d’accessibilité bancaire : il s’agit du livret A pour tous et du droit au compte.
Ainsi, il est possible de faire des opérations de retrait et de dépôt à partir d’un montant de 1,50 €. Non rentables, ces opérations sont très coûteuses pour La Poste. Là aussi, la compensation financière de l’État, déjà bien insuffisante, passera de 340 millions d’euros en 2017 à 280 millions en 2020.
Pour Force Ouvrière, ces deux obligations sont trop peu compensées par l’État, ce qui a de graves conséquences pour la gestion de La Poste : de fortes suppressions d’emplois, la détérioration des conditions de travail et la diminution de la gamme des prestations offertes aux usagers.
UNE PRÉSENCE ALÉATOIRE
La Poste ferme des bureaux dans toutes les régions, implante certains services dans des supermarchés ou autres commerces, et provoque le mécontentement des usagers, des élus locaux et des postiers. Malgré notre action permanente sur la défense des services publics et des conditions de travail de nos collègues, l’entreprise persiste dans son action de destruction d’un service de qualité pour tous.
En grand nombre, les bureaux sont remplacés par des « Relais Poste » qui, selon leur implantation, sont ruraux ou urbains.
Car le mouvement touche maintenant de plein fouet les villes, où supermarchés et autres commerçants volontaires distribuent les services de La Poste. La loi en encadre le nombre, avec un minimum de 17 000 points de contact sur le territoire, mais pas du tout la forme ni les services proposés par ces derniers.
En 2005, 14 000 bureaux de postes étaient encore en exercice sur plus de 17 000 points de contact.
Au 1er janvier 2017, ils étaient au-dessous de 9 000 !
Selon les chiffres officiels donnés par La Poste, 8 425 bureaux sont actuellement encore ouverts pour 6 234 agences postales communales, 2 697 relais poste commerçants et 40 agences postales intercommunales.
Ça y est, nous sommes passés sous le seuil de 50 % de vrais bureaux poste. Très exactement 48,43 %. Et, encore plus inquiétant, dans 10 départements ruraux, il y a plus de 70 % de partenariat et seulement 30 % de bureaux de plein exercice !
La tendance actuelle avec le projet attractivité du réseau nous fait craindre le pire, avec fermetures et diminutions d’horaires d’ouverture dans toutes les régions.
L’ARNAQUE AUX « POINTS DE CONTACT »
Comme on a pu le voir, c’est la notion même de point de contact inscrite dans la loi postale de 2010 qui pose problème. L’optimisation et la financiarisation du parc immobilier de La Poste engendrent une recrudescence de relais aussi bien en zones rurales qu’en ville… La Poste orchestre elle-même la fermeture des bureaux de poste de plein exercice.
La méthode ? Rien de plus simple ! La direction de La Poste réduit ou modifie l’amplitude horaire d’ouverture des bureaux de plein exercice pour les rendre inadaptés par rapport aux besoins des citoyens. Ces derniers sont contraints de se tourner vers d’autres « points de contact » plus adaptés.
Conséquence immédiate : une réduction de l’offre au sein de ces bureaux qui sont dans le « collimateur »… jusqu’à leur fermeture et une transposition dans un commerce de proximité locale.
UN RÉSEAU À PLUSIEURS VITESSES, DESTRUCTEUR D’EMPLOI
Selon les dirigeants de La Poste, c’est « l’adaptation du réseau à la réalité des territoires et aux besoins de la population ». Selon le P.D.-G. de La Poste, « ce qui change, c’est juste la forme » de la présence postale. Pour FO, c’est inexact !
Cette « adaptation », principalement financière, entraîne malheureusement aussi une diminution du nombre de postiers travaillant en bureaux. L’ensemble du service public postal se décline plutôt selon l’attrait « économique » des territoires.
Au 31 décembre 2016, il y avait 47 125 postiers dans le réseau. Au 31 décembre 2017, il n’y en avait plus que 44 525. Et au 31 décembre 2018, l’objectif de la direction de La Poste est de 42 635… Ceci sans compter les départs naturels à hauteur de 20 % dans les trois ans. Cette spirale du déclin des effectifs dans le réseau des bureaux de poste reflète bien le piège de la notion de points de contact.
UNE TRANSFORMATION À MARCHE FORCÉE
Pour contrer la baisse continue des subventions de l’État, La Poste se réinvente et expérimente une large palette de missions dédiées à la « proximité humaine ». Du fait de la non-compensation par l’État des budgets alloués aux missions de service public postal, La Poste se retrouve à facturer de façon trop élevée les nouvelles missions, comme l’octroi de la carte grise jadis géré par les sous-préfectures ou l’aide à la déclaration d’impôt, voire l’inclusion bancaire et numérique. Non seulement La Poste facture au prix fort ses missions de service public (pudiquement appelées par les commissaires européens des missions d’intérêt général) mais, en plus, elle est contrainte de rogner sur la masse salariale. Pour effectuer ces nouvelles missions, par exemple, elle embauche des intérimaires, ou réduit le budget dédié aux conditions de travail, ce qui les détériore logiquement et crée un mal-être chez de nombreux postiers.
ET LES POSTIERS DANS TOUT CA ?
Selon FO, La Poste doit rétribuer les postières et les postiers fiers de leur identité, garants du service public, et soumis à une transformation organisationnelle hors normes. La Poste et les postiers qui sont considérés comme des « tiers de confiance », peuvent jouer un rôle essentiel sous certaines conditions de rétribution et de reconnaissance !
Pour ce faire, La Poste doit se donner les moyens humains et organisationnels afin de transformer les essais actuellement testés au sein des territoires. Ainsi, les moyens déployés en termes de formation sont largement insuffisants. Il faut démultiplier ce budget afin de rendre envisageable l’ultra-polyvalence des collègues et notamment ceux qui sont en première ligne : les facteurs et les chargés de clientèle. Les formations sont trop réduites, faites par e-learning et trop souvent proposées sur le temps de travail. Et même si certaines de leurs missions de service public doivent évoluer, FO défend et défendra leur métier, que ce soit dans le réseau des bureaux de poste pour les chargés de clientèle ou sur tout le territoire pour les facteurs et les factrices.
Notre vigilance et nos actions seront primordiales pour la défense de l’emploi, les conditions de travail des postiers, et le service rendu aux usagers.
Pour FO, le compte n’y est pas ! Les missions de service public postal (la distribution du courrier 6 jours sur 7 appelée aussi « service universel », l’aménagement du territoire, l’accessibilité bancaire et la distribution de la presse) sont déficitaires. L’État est fortement complice de la situation financière relativement fragile du Groupe La Poste et doit changer de stratégie afin qu’un service public postal de qualité puisse se renouveler et perdurer.
Tout le monde est d’accord sur le caractère prioritaire et indispensable de la présence de La Poste là où il n’y a plus aucun autre service public, que ce soit en campagne ou dans les zones périurbaines. L’État doit cesser de rogner sur les budgets alloués aux missions de La Poste.
FO continuera de se battre pour que les postiers ne soient pas les grands perdants de cette course à la productivité et cessent de subir une pression insupportable et injustifiée. ♦