Peut-on encore sauver la Poste ?
La Poste change aujourd’hui de patron. Comment peut-il sauver un groupe assis sur un métier du courrier en déclin accéléré ?
La Poste change de patron aujourd’hui. Nommé hier en Conseil des Ministres, Philippe Wahl qui dirigeait jusque-là la Banque Postale va devenir le grand chef de tous les facteurs. Quels vont être les challenges de ce nouveau patron ?
La Poste c’est une entreprise qui va plutôt bien mais sur un marché catastrophique. Le cœur de la Poste, son métier historique, c’est de transporter du courrier. Et bien ce marché s’écroule. La Poste livrait 18 milliards de lettres et petits colis en 2007. Elle en a livré moins de 15 milliards l’an dernier. Et si ça se trouve dans cinq ans, ça sera à peine 10 milliards. Ce sont des milliards et des milliards de chiffre d’affaires qui disparaissent sur un business qui représente encore la moitié de l’activité de la Poste. C’est donc très dur.
Le groupe a quand même des atouts ou il est condamné ?
Il a plusieurs atouts. D’abord, il a déjà entamé sa mue. Il s’est diversifié. Il a d’abord misé de plus en plus sur un métier complémentaire : les colis. Et là, autant l’essor d’internet et de l’email tue le courrier. Autant le commerce électronique booste l’activité colis. C’est un premier atout. Le deuxième, c’est la Banque Postale. Le groupe a vraiment fait de la finance une activité complémentaire. C’est une activité très rentable et en plus qui peut se développer en s’appuyant sur l’image de sérieux et de solide de la Poste. A termes la Poste pourrait avoir un business modèle relativement équilibré. Un très gros tiers courrier, un petit tiers colis, un petit tiers très rentable finance.
Ca c’est les atouts. Mais les faiblesses de la Poste c’est quoi ?
D’un côté il y a les contraintes du service public. La Poste doit par exemple couvrir tout le territoire et livrer le courrier 6 jours sur 7. Cela a un coût et cela ne serait pas forcément indispensable. On pourrait ne pas livrer le samedi ou fermer des bureaux. On pourrait aussi fermer plus que les 2.000 boites aux lettres supprimées l’an dernier. L’autre handicap de la Poste il est social. C’est un groupe gigantesque (243.000 salariés) et surtout c’est un groupe figé. En moyenne, on est guichetier 21 ans, facteur 17 ans. Ca veut dire que l’on reste sur une fonction presque toute sa carrière. Quand votre business historique se dérobe sous vos pieds et que vous ne pouvez pas licencier, vous devez vous réinventer et vous devez faire bouger votre personnel ; lui confier de nouvelles fonctions. Et ça, c’est super dur à faire. Si vous bouger trop vite ou trop fort vous vous retrouvez avec une crise sociale. Avec des suicides et ça n’est pas acceptable.
Donc au final, la Poste va s’en sortir ?
Le challenge humain est terrible. Aujourd’hui, 18% du personnel a plus de 55 ans. En 2018, ça sera un salarié sur trois qui aura plus de 55 ans. Ca va être très dur de faire évoluer les salariés, de les motiver jusqu’à la retraite. Si la Poste passe ce double cap de l’écroulement du courrier et de la gestion de sa pyramide démographique, il aura, d’ici une petite dizaine d’années, de vrais atouts. Sa marque, son emprise territoriale avec plus de 10.000 bureaux de poste, son personnel qui inspire confiance (on laisse entrer son facteur à la maison mais pas forcément un livreur)... Il faut capitaliser sur ces atouts pour lancer de nouveaux services. La Poste a déjà bougé dans les télécoms par exemple en venant concurrencer son ex société sœur France Télécom dans le mobile. Ca prouve que c’est possible. Mais ça ne sera pas aussi simple que de mettre une lettre à la Poste.
Source : Chronique diffusée le 26/09/2013 à 7H15 sur radio Classique
Nb : Un service public n’a pas besoin d’être sauvé, il doit être simplement maintenu et… aidé. Ne pas oublier que La Poste est le dernier service public au fin fond du territoire !