L'atelier courrier du Père Noël de La Poste a ouvert une annexe qui ne fait pas rêver
L'atelier annexe de la mission Père Noël de La Poste à Bordeaux-Armagnac n'incite pas… au rêve. Photo
Thierry David
« Un atelier digne des conditions de travail d'un sous-sol pakistanais. » Le diable
serait-il entré dans l'atelier du Père Noël ? Vendredi dernier, alors que la ministre Fleur Pellerin fêtait le cinquantième anniversaire de la création du secrétariat du Père Noël de La
Poste, à Libourne, aux côtés de Jean-Paul Bailly, son PDG, Sud-PTT lâchait un pavé dans le gâteau. Derrière la jolie vitrine de Libourne, La Poste aurait ouvert
une annexe à Bordeaux, qualifiée par le syndicat d'« atelier clandestin », où les agents seraient « soumis à des conditions de travail
d'un autre temps »…
De fait, les lettres pour le Père Noël progressent au même rythme que la crise économique. En 1962, date de la création de l'atelier « courrier » du Père Noël à Libourne, 5 000 lettres
arrivaient de toute la France. En 2011, La Poste en a reçu, venues du monde
entier, 1,4 million. « Pour venir à bout de ce courrier pléthorique, précise la direction de La Poste, nous avons installé des annexes il
y a quatre ans. Une à Bordeaux, où travaillent 25 personnes du 19 novembre au 20 décembre, une à Poitiers et une autre dans l'Isère. »
L'atelier de Bordeaux est installé dans les locaux plus ou moins désaffectés del'ancien
centre de tri Armagnac, en plein cœur du futur site Euratlantique. Sud-PTT reproche à la direction de La Poste « l'absence de bouteilles d'eau, de pharmacie et de stylos. Les sanitaires sales, la capacité de la
salle d'accueil trop étroite, la poubelle jamais vidée, le ménage non fait. Le mobilier de bureau issu de récupération et mal adapté aux pathologies des salariés… »
Des vitres cassées
Isabelle, Élisabeth, Sandrine, Philippe débauchent. Il est bientôt 16 heures. Font la tête.
Philippe commence : « Je suis salarié de La Poste, mais actuellement en inaptitude partielle pour raison médicale. On m'a proposé
l'atelier du Père Noël, j'ai accepté, pensant que ce serait sympa. En fait, on travaille sept heures par jour, dans un endroit sinistre, mal chauffé,
dont les sanitaires sont sales. On a l'impression de n'être pas respecté. »
Élisabeth est postière à Mériadeck, elle souffre de problèmes musculo-squelettiques, et a été invitée à travailler à l'atelier. «
J'ai mal au dos, aux mains, au cou, aux doigts. C'est l'enfer. »
Isabelle vient de la plateforme industrielle de courrier à Cestas. Elle se plaint aussi de troubles musculo-squelettiques. «
Pareil, lâche la jeune femme. J'ai amené ma couverture aujourd'hui. Il y a des vitres cassées. Le Père Noël c'est la fête, la joie ? On travaille dans un endroit désaffecté, sans âme. L'ambiance
est sinistre. »
Un plateau vide
Finalement, la direction a bien voulu ouvrir les portes de ce que les syndicats qualifiaient « d'atelier clandestin à la
pakistanaise ». Première impression : mitigée.
Soit un plateau de 800 mètres carrés vide, éclairé par des néons avec, plantées au milieu de ce « no man's land », des tables
ordinaires disparates, installées en U « selon la volonté des salariés », assure Christophe Roubinet, responsable du site. Leur boulot ? Ouvrir les
lettres envoyées au Père Noël, écrire à la main sur une enveloppe de La Poste l'adresse de l'enfant, la lettre sera accompagnée par un prospectus attestant…
Sinon, il fait plutôt chaud. Personne ne porte de couverture sur les genoux. Un pack de bouteilles d'eau est à disposition, bien
en vue. Les toilettes sont moches, sans eau chaude, mais propres. L'ambiance est studieuse, un peu à la manière d'un travail à la chaîne. « On n'est pas dans le rendement, martèle Christophe
Roubinet. Mais il faut envoyer le maximum de courrier, répondre à tous les enfants. C'est là notre mission. » Le matériel de bureau est
usagé, les mines des lutins un peu sinistres. Le boulot quoi.
Sinon, il y a une boîte de chocolats dans laquelle on peut piocher. Trois guirlandes pendouillent et un sapin garni rappelle tant
bien que mal que l'heure est à la fête. Le 20 décembre, tous les postiers repartiront sur leur site respectif, en ayant accompli leur mission, mais de toute façon, ils ne croient plus au Père
Noël…
Par Isabelle Castéra
Publié le 18/12/2012
Source : http://www.sudouest.fr/2012/12/18/gironde-les-secretaires-du-pere-noel-n-ont-pas-le-moral-912436-2966.php
Nb : Le respect et la considération, valeurs universellement reconnues comme
essentielles à l’entretien de relations saines… et pourtant avec certains services, même si nous l’exigeons, elles ne sont guère appliquées…