Ordonnances réformant le code du travail Bilan de la négociation collective 2016 La Commission nationale de la négociation collective s’est réunie le 7 septembre dernier, en vue de la consultation officielle des interlocuteurs sociaux, sur les projets d’ordonnances réformant le code du travail et sur le bilan de la négociation collective en 2016 sous la présidence de la Ministre du travail. La délégation Force Ouvrière était composée de :
- Marie-Alice MEDEUF ANDRIEU, Secrétaire Confédérale ;
- Françoise CHAZAUD, Secrétaire générale de la FASAP ;
- Bruno LEROY, Secrétaire fédéral FGTA ;
- Heïdi AKDOUCHE, assistante confédérale ;
Du côté syndical un avis défavorable a été rendu à la quasi –unanimité, à l’exception de la CFTC qui a pris acte des ordonnances.
De manière générale, les organisations syndicales, ont regretté le manque de stabilité législative. De nombreuses réformes ayant déjà été menées, il aurait été préférable d’attendre leur mise en place et d’élaborer un bilan avant de se lancer dans une énième réforme. Les points d’achoppement unanimes sont les suivants :
- La dérogation autorisée par décision unilatérale de l’employeur jusqu’à 20 salariés, validée par référendum ;
- Le plafonnement des indemnités prud’homales ;
- La nécessité d’avoir des moyens, notamment en formation des élus de la nouvelle instance ;
Après avoir salué le travail de concertation intense et réelle sur les ordonnances relatives à la réforme du code du travail, tenant compte des retours des différents secteurs et notamment de leurs déclarations dans les instances consultatives nous avons mis l’accent sur les points suivants :
Sur la nouvelle articulation des niveaux de négociation :
Nous avons regretté la non intégration des primes dans le socle verrouillé des branches et le déclassement des mesures relatives au CDD et CTT (durée, délai de transmission des contrats, renouvellement, délai de carence), bien que nous n’ayons évité le pire en faisant maintenir dans la loi les motifs de recours et la prime de précarité. Nous avons également dénoncé le CDI de chantier.
Sur les NAO :
Nous avons souligné la disparition des limites existantes en matière d’accord de méthode permettant de déroger à la périodicité des négociations, et des thèmes, notamment en matière salariale et en matière d’égalité professionnelle. Sur l’égalité professionnelle, la Ministre a reconnu que la rédaction du projet d’ordonnance laissait planer un doute sur la possibilité d’exclure ce thème des négociations, et que cela avait été corrigé dans la version transmise au conseil d’état.
Sur le compte professionnel de prévention :
Nous avons regretté la disparition de 4 facteurs de risque, notamment sur le port de charges lourdes.
Sur les rapports accords collectifs/contrat de travail :
Les projets d’ordonnances vont au-delà de ce qui était prévu dans le cadre des concertations, car elles ne traitent pas que de l’harmonisation des régimes de rupture, mais créent un nouveau dispositif, remplaçant ceux existants (APDE, AME, Accord de mobilité…) et consacrent ainsi la généralisation de la primauté de l’accord collectif d’entreprise sur le contrat de travail, ce que FO dénonce.
Sur la contestation des accords collectifs :
Nous avons dénoncé la réduction du délai de prescription de l’action en nullité qui passe de 5 ans… à 2 mois !
Sur la négociation collective :
Nous avons regretté l’absence de prise en compte de nos revendications sur les accords majoritaires (instauration d’un quorum pour la validation du référendum, participation de toutes les OSR à la négociation du protocole, détermination des salariés soumis à la consultation), alors que le patronat a pour sa part obtenu la possibilité d’initier le référendum. En l’absence de DS, nous avons dénoncé la faculté offerte jusqu’à 20 salariés de mettre en place un acte unilatéral dérogatoire validé par référendum, sans négociation, avec la disparition du salarié mandaté.
Sur la fusion des instances représentatives du personnel :
Nous avons obtenu la création de commissions santé sécurité obligatoires dans les entreprises de plus de 300 salariés, en deçà, il sera possible de les instituer par accord majoritaire. Cependant, nous resterons très vigilants sur les moyens en heures de délégation, mais également en matière de formation des élus, qui seront fixés par des décrets ultérieurs, qui devraient faire l’objet d’une concertation rapidement.
Sur le conseil d’entreprise :
Nous avons marqué notre opposition au conseil d’entreprise qui permet par accord majoritaire à 50% d’entreprise ou par accord de branche étendu de conférer au CSE les compétences en matière de négociation, dénonciation et révision des accords.
Sur l’indemnité légale de licenciement :
L’ancienneté minimale nécessaire à l’obtention d’une indemnité de licenciement passe d’un an à 8 mois et le nouveau montant de l’indemnité est augmenté de 25%. S’il s’agit d’une amélioration, elle reste tout de même insuffisante, nous avions demandé le doublement de l’indemnité.
Sur le plafonnement des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Un barème impératif est désormais fixé par le code du travail. Il comprend un plancher et un plafond, avec un plancher différent pour les petites entreprises. Nous avons rappelé que nous nous sommes toujours opposés au principe même d’un barème impératif en ce qu’il nie le pouvoir du juge, pour permettre une réparation réelle du préjudice. En outre, les montants des plafonds et des planchers sont largement insuffisants, le plancher passant de 6 mois de salaires à 3 mois, pour un salarié ayant au moins 2 ans d’ancienneté, avec un plafond fixé à 20 mois. Ces plafonds et planchers sont d’autant plus limités que le juge pourra tenir compte du montant de l’indemnité de licenciement déjà versée.
Sur les délais de prescriptions :
Notre Organisation s’est opposée à ce nouveau raccourcissement des délais de recours en cas de contestation de la rupture du contrat de travail. Alors que jusqu’en 2008, la prescription des dommages et intérêts était de 30 ans, elle est tombée à 5 ans (loi 17/06/2008), puis à 2 ans en 2013 par la loi du 14/06/2013 de sécurisation de l’emploi (3 ans pour les salaires) et maintenant à 12 mois.
Sur la procédure et la motivation des licenciements :
Conformément aux souhaits exprimés de longue date par le patronat, les motifs de licenciement pourront être complétés après coup et l’insuffisance de la motivation de la lettre de licenciement initiale pourra constituer un simple vice de forme sanctionné par une indemnité qui ne pourra excéder 1 mois de salaires !
Sur les rapports accords collectifs/contrats de travail :
Nous avons souligné que ce point n’avait pas été introduit pendant les concertations : il était simplement question d’harmoniser le régime de la rupture intervenant dans le cadre de 3 dispositifs existants permettant d’ores et déjà de faire primer l’accord collectif d’entreprise sur le contrat de travail (APDE, AME, Accord de mobilité).
Or les trois dispositifs ont été abrogé au profit de la mise en place d’un nouvel accord offensif aux conditions de recours élargies « aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ».
Sur le licenciement économique :
Le périmètre d’appréciation de la cause économique est resserré au territoire national même en cas d’appartenance de l’entreprise à un groupe plus vaste.
Est ainsi contrée la jurisprudence constante de la cour de cassation qui refusait de limiter l’appréciation de la cause économique au territoire national.
Seule l’hypothèse de la fraude permettra une contestation éventuelle.
L’obligation de reclassement de l’employeur est encore un peu plus restreinte.
Elle se limite désormais aux entreprises dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Par ailleurs, les offres de reclassement n’ont plus à être personnalisées, comme l’exigeait la jurisprudence qui refusait l’envoi d’une liste de postes.
Sur la juridiction prud’homale :
Si notre Organisation se félicite de la réintroduction de la comparution personnelle des parties devant le BCO (bureau de conciliation et d’orientation), elle est contre le renvoi automatique en bureau de jugement dans sa formation échevinée en cas de partage des voix devant le BCO.
Pour l’ensemble de ces raisons, un avis défavorable a été émis par FORCE OUVRIERE lors de cette réunion. Du côté patronal, de manière générale les ordonnances ont été accueillies très favorablement, le patronat, ayant tout de même manifesté quelques regrets :
- Que le seuil de mise en place du CSE n’ait pas été relevé à 20 salariés ;
- Que les possibilités de négocier avec des élus n’ait pas été généralisées pour les entreprises de moins de 50 salariés ;
- Que le montant des indemnités légales de licenciement ait été majorées de 25% pour toutes les entreprises y compris les TPE ;
- Le MEDEF a conclu en demandant à la Ministre de poursuivre la démarche entreprise, en simplifiant l’intégralité du code du travail.
BILAN DE LA NEGOCIATION COLLECTIVE 2016
Une synthèse du bilan est annexée au présent document.
Le bilan de la négociation collective permet, d’avoir une vision d’ensemble sur l’état des négociations et du dialogue social en général. Il comprend de nombreuses données statistiques et analytiques très précieuses et notamment quelques données sur l’impact des réformes déjà réalisées. Une petite frustration cependant, il ne comporte pas encore de données sur les premiers bilans de l’application de la loi Travail.
De manière générale, nous observons que la négociation collective reste très dynamique, aussi bien au niveau des branches qu’au niveau des entreprises.
On observe cependant un léger fléchissement des accords de branches, notamment lié à une baisse de 24% des accords formation professionnelle et de 33% des accords protection sociale complémentaire. Ce qui correspond en réalité à un niveau normal, les dernières années ayant entrainé une hausse de ces accords en raison de la mise en place de la loi sur la généralisation de la couverture complémentaire collective.
Il est à souligner que les accords salariaux, après avoir connu une baisse en 2015, retrouvent leur niveau de 2014 avec plus de 400 accords conclus.
S’agissant du niveau de l’entreprise, nous observons une augmentation de 10 000 accords conclus par rapport à 2015. Si les salaires et primes restent le premier thème de négociation, on note une augmentation de 14% des accords sur le temps de travail qui sont certainement la résultante de l’application de la loi travail et de la décentralisation des négociations au niveau de l’entreprise. Nous ne disposons malheureusement pas, dans le présent rapport, des données qualitatives sur le sujet permettant de savoir si les entreprises se sont saisies ou non des facultés de dérogations.
En tout état de cause l’année 2016 a été marquée par le projet de loi relatif à « la modernisation du dialogue social et de la sécurisation des parcours professionnels ». Cette loi a été élaborée dans une absence totale de concertation des interlocuteurs sociaux, qui ont découvert le texte dans la presse…
Cette année 2016 a également été marquée par le fiasco des élections TPE. Un bilan sera établi dans le cadre du HCDS afin d’améliorer le dispositif pour la prochaine élection.
Elle a également été marquée par l’accélération du chantier de restructuration des branches.