Un plan d'austérité qui suit une logique suicidaire
À l'heure où ces lignes sont écrites, le G20 de Cannes est terminé et le nouveau plan de rigueur vient d'être annoncé par le Premier ministre.
Sur le sujet du G20, depuis l'éclatement de la crise du système capitaliste en 2007, c'est le quatrième G20. Les deux premiers, à Londres et à Pittsburgh, avaient annoncé des mesures de relance et de contrôle qui n'ont guère été suivies d'effet. Celui de Toronto, l'an dernier, était quant à lui revenu en arrière, mettant essentiellement l'accent sur la réduction des dettes, accentuant ainsi le poids des marchés financiers, l'installation de l'austérité et la dictature de la dette.
Celui de Cannes revient à l'esprit du début de crise, obligé de constater que loin d'être finie, la crise s'amplifie, accentuée par la logique restrictive prise à Toronto. Au passage, il remet l'accent sur les paradis fiscaux dont on nous avait dit qu'ils avaient quasiment disparu!
Sur toutes les questions économiques et financières, il conviendra donc de voir si les déclarations sont effectivement suivies d'effet, ce qui n'est pas garanti.
Sur le plan social, nous avons obtenu que l'accent soit mis sur la croissance et l'emploi, sur l'instauration d'un socle de protection sociale, sur la nécessité de faire respecter les huit conventions internationales du travail, dites fondamentales, et sur un rôle plus important de l'Organisation internationale du travail face au FMI, à l'OMC et à la Banque mondiale. Les revendications que nous développons depuis plusieurs années avec la CSI ont été reprises, de manière plus soft, dans une déclaration commune, sur le plan international, des syndicats et du patronat. Là encore, il va falloir faire pression pour que tout cela s'applique.
Présents à Cannes avec la CSI et les secrétaires généraux des principaux syndicats des vingt pays, nous avons à cette occasion fait connaître nos revendications de manière bilatérale à la plupart des chefs d'État. J'ai notamment été le porte-parole de la CSI pour la rencontre avec le Secrétaire général de l'ONU.
Ce sommet du G20 a aussi été celui du «Grèce 20». La mise au pas vis-à-vis de la Grèce révèle une conception autoritaire de l'Europe, qui s'enfonce dans le dogmatisme libéral des traités de Maastricht et de Lisbonne. Nous avons notamment expliqué partout que les travailleurs grecs sont à bout et que l'austérité compromet la démocratie et l'avenir des peuples.
Autant les conclusions du G20 au niveau social vont dans le bon sens, autant le grand écart avec la politique nationale est
marquant:
- D'une part sur la forme. Alors qu'à l'occasion de la préparation du G20 les consultations syndicales ont eu lieu, en France ce fut le black-out total. Ce qui constitue un déni de démocratie, un
mépris réel des travailleurs.
- D autre part, sur le fond, on ne peut pas faire le constat de l'augmentation des inégalités sur le plan international et accroître celles-ci sur le plan national. On ne peut pas être progressiste sur le plan international et rétrograde sur le plan national.
Le Premier ministre avait annoncé un budget 2012 très rigoureux, le plus rigoureux depuis 1945! C'est en réalité un plan d'austérité qui suit une logique suicidaire et qui appelle sans aucun doute à d'autres plans d'austérité à court terme, puisqu'il ne contient aucune réponse plausible pour créer de la croissance.
C'est aussi pour FO une réelle provocation en ce qui concerne l'accélération de la mise en œuvre de la contre-réforme des retraites et le sacrifice des générations 1952 à 1955.
Le choix du gouvernement est donc révélateur. Ainsi, au lieu de préserver les travailleurs, de rétablir de la justice fiscale et de soutenir la croissance et l'activité, il a fait le choix délibéré de l'austérité sociale avec une baisse du pouvoir d'achat des ménages, l'amplification de la RGPP et notamment la compression des dépenses sociales et par là même il fait chuter la consommation, la croissance, l'emploi, amenant progressivement le pays vers une situation à la grecque.
Si le gouvernement est à la recherche d'économies et veut dans le même temps réduire les inégalités, de nombreuses pistes existeraient pour trouver 6 à 8 milliards. Citons quelques exemples: l'exonération des heures supplémentaires (4,5 milliards), la niche Copé (6 à 8 milliards), le régime fiscal mère-fille pour les grandes entreprises (35 milliards) ou le régime d'intégration fiscale (18 milliards).
Au final, le contenu de ce deuxième plan d'austérité constitue une fois de plus une réponse soumise à la dictature des agences de notation et montre l'incapacité des gouvernements à s'émanciper des marchés financiers.
L'Éditorial de Jean-Claude Mailly, Secrétaire général de Force Ouvrière, daté du mercredi 9 novembre 2011